Après la prise de Québec par la Grande-Bretagne, de nombreux émigrants des îles britanniques viennent tenter fortune au Canada, et ce, tout au long de la seconde moitié du 18e siècle. Parmi ceux-ci, plusieurs Irlandais catholiques dont certains s’unissent à des Canadiennes françaises, comme ce sera le cas pour Catherine Samson. La religion est commune, mais pas la langue. Les enfants de ces familles peuvent souvent s’exprimer autant en anglais qu’en français, mais bien souvent l’anglais prédomine.

Fidèle Thériault
Historien

En collaboration avec Colette Béchard
Généalogiste

Grâce à de nombreuses recherches, entre autres dans plusieurs registres, nous avons retracé les grandes étapes de la vie de Catherine Samson et sa descendance. Bien que le texte soit plutôt factuel, il est possible d’imaginer en partie ce qu’a été sa vie, probablement à l’image de tant d’autres femmes de l’époque. Il est plutôt exceptionnel de pouvoir suivre son parcours qui date de plus de 200 ans, elle qui aura deux époux auxquels elle survivra, de nombreux enfants et vivra un déménagement en Gaspésie, un défi de taille en 1784. Sa famille sera parmi les huit premières à s’établir dans le lieu qui deviendra la paroisse Saint-Patrick de Douglastown près de 100 ans plus tard, en 1845.

 

Thomas Morris
Thomas Morris, un jeune Irlandais catholique, arrive à Québec vers 1775 en qualité de matelot à bord d’un navire marchand anglais. Il est appelé à défendre la ville de Québec contre l’attaque des Américains en 1776. Il va ensuite poursuivre son service militaire au lac Champlain où il est blessé. Revenu à Québec, il épouse, le 9 janvier 1781, Catherine Samson, fille de Jacques Samson et de Louise Belisle.

Thomas est originaire du comté de Wexford dans la province de Leinster en Irlande, fils de Matthew Morris et de Marthe Murphy. Pour sa part, Catherine Samson est née à la Pointe-à-Lévy (Lévis) le 15 août 1760. Quelques années après sa naissance, son père déménage avec sa famille à Québec où il exerce son métier de forgeron. On ne sait pas si Thomas Morris pouvait parler français ou encore si Catherine Samson pouvait parler anglais, mais cela ne semble pas avoir été un problème à leur union.

À Québec, Catherine donne naissance à ses deux premiers enfants : Thomas Morris en 1781, et Mathieu en 1783. Thomas fils décède à Québec en 1784 et son père va, la même année, s’établir avec sa petite famille à la rivière Saint-Jean près de Gaspé. Il est, avec plusieurs amis et compatriotes, un des pionniers du village qui sera appelé Douglastown. Là, il exerce le métier de pêcheur et le couple aura d’autres enfants.

Thomas Morris possède une éducation qui lui permet de signer son nom de famille de façon convenable. Ce nom est orthographié différemment dans les registres, dépendamment de la personne qui l’a écrit : Morris, Morice. Morisse, Maurice, Morriss, etc.

Jacques/James Lerhe
On ne connaît pas la date du décès de Thomas Morris, mais c’est probablement vers 1794. Veuve, Catherine Samson convole en secondes noces, vers 1795, Jacques Lerhe (Lary, Larray, Larai, Lery, Lerhé, Le Rhe, etc.), qui est un pêcheur d’origine jersiaise. Il décède à Douglastown le 6 mars 1827 à l’âge d’environ 72 ans, ce qui le fait naître vers 1755. Selon une information recueillie sur Ancestry, un Jacques L’Her serait né à Saint-Hélier (Jersey) en 1753 du mariage de Jean L’Her et de Marie LeGresley. Il y a de fortes chances qu’il s’agisse de celui qui vient s’établir à Douglastown.

Catherine Samson a trois enfants de ce second mariage : Suzanne, née le 23 avril 1796, Élisabeth, en 1798, et Louis, en 1800.

Erreurs dans les registres
Il y a deux erreurs dans les actes des registres paroissiaux concernant la famille de Catherine Samson. La première serait que son deuxième enfant est un garçon et non une fille. L’acte de baptême au registre de la paroisse Notre-Dame de Québec l’identifie comme étant une fille du nom de Marthe, mais c’est un garçon que l’on retrouve plus tard sous le nom de Mathieu. En effet, on ne trouve pas d’acte de décès ou de mariage pour Marthe Morris, mais deux mariages et un décès pour Mathieu Morris. L’âge donné au décès de ce dernier le fait naître vers le mois de juillet 1783, qui est la date de naissance donnée pour Marthe. Cette erreur est probablement due à une mauvaise transcription du nom, une erreur courante dans les registres. L’écriture manuscrite est parfois mal déchiffrée et l’erreur se perpétue.

L’autre erreur est la date de naissance donnée pour son fils Étienne Olivier Morris, soit le 16 avril 1796. Cela est impossible, car la fille de son second mariage, Suzanne Lerhe, est née le 23 avril 1796. Elle est baptisée la même journée qu’Olivier, soit le 30 août 1796. Cela cause bien entendu de la confusion. L’erreur est qu’Olivier est né en ou vers 1794. C’est ce que nous confirme son acte de mariage du 1er septembre 1814 qui le dit majeur.

Catherine Samson décède à Douglastown le 27 avril 1828, à l’âge de 67 ans. Elle a un frère, Nicolas Samson, né en 1758, qui épouse le 4 septembre 1796 Josette Pecquerel, fille de Jacques Pecquerel et de Josette Lefebvre. Il décède à L’Anse-au-Griffon le 15 septembre 1836.

« Le vingt-huit août mil huit vingt huit nous prêtre missionnaire soussigné avons suppléé les cérémonies de l’Église aux funérailles de Catherine Samson morte le vingt-sept avril dernier âgée de soixante et six ans, épouse de défunt James Larai de Douglastown. Présent : Thomas Brillan et James Enriet qui ont déclaré ne savoir signer. A. Boisverd, ptre. »

Acte de sépulture de Catherine Samson dans le registre de l’état civil de Saint-Michel–de-Percé, 1828. ANQ Rimouski, CE102,S19

Ses enfants nés en Gaspésie seront tous baptisés à Douglastown ou à Barachois, se marieront et fonderont une famille. Une de ses filles s’établira au Nouveau-Brunswick alors que les autres resteront dans la région. Ils sont, avec leur époux ou épouse, presque tous enterrés à Douglastown, c’est pourquoi leur nom de famille s’est perpétué et est encore familier aujourd’hui.

 

Photos (dans l’ordre)

Sur ce plan du canton Douglas figurent la rivière Seal Cove, le village de Douglastown, la rivière de L’Anse à Brillant, la baie de Gaspé, une partie de la rivière Malbaie, les bornes, les barachois, le numéro et la dimension des lots, les chemins, l’église, le relief et les profils proposés de chemins de colonisation. Plan of the residue of the township of Douglas county of Gaspé with profiles of range-lines and out-lines; copié par M. Garneau à partir de l’original de Henry O’Sullivan, copié en 1938 d’après l’original créé en 1881.
ANQ Québec, Fonds Ministère des Terres et Forêts, E21,S555,SS1,SSS1,PD.21B

Madame Trachy et ses 8 filles devant leur maison à Douglastown, années 1920. On peut imaginer ce qu’a été la vie de la famille de Catherine Samson, plus de 100 ans auparavant.
Collection famille Agnesi